Dans un entretien accordé au Monde de l'énergie, Cécile Arbouille insiste sur la résilience de la filière nucléaire française, démontrée notamment pendant la crise sanitaire du COVID-19, et explique pourquoi le nucléaire doit être un pilier de la relance économique. Elle en profite également pour rappeler la prise de position de l'International Energy Agency (IEA), qui, dans son dernier rapport, affirme à propos du nucléaire : " l'Europe n'a pas le luxe d'exclure une énergie bas carbone".
En quoi la filière nucléaire est-elle résiliente ?
La crise sanitaire que nous venons de traverser en a donné une parfaite illustration : tandis que de nombreux secteurs étaient à l’arrêt, la filière nucléaire a rapidement su s’organiser et prendre les mesures nécessaires pour continuer à assurer l’exploitation des installations nucléaires et veiller à leur sûreté, garantissant ainsi la fourniture d’électricité et la stabilité du réseau, tout en préservant la santé de ses collaborateurs. Enfin, dans un contexte ou le modèle de délocalisation de la production industrielle est désormais remis en cause, il n’est pas inutile de rappeler que l’industrie nucléaire, avec ses sites de production répartis sur tout le territoire français et ses 220 000 emplois non délocalisables, contribue déjà à la souveraineté et à l’indépendance énergétique de notre pays.
Pourquoi le nucléaire peut être un des piliers de la relance économique ?
Dans son plan de relance économique, le gouvernement a fait part de son ambition d’engager une réindustrialisation du territoire, de garantir la sécurité d’approvisionnement des biens de première nécessité et la souveraineté nationale sur les secteurs stratégiques. Mais la crise que nous traversons ne doit pas nous faire oublier les enjeux climatiques, et notamment les engagements pris par notre pays en faveur de la décarbonation de notre économie. Face à tous ces enjeux, le nucléaire s’avère être une véritable opportunité : avec 12 g de CO2/KwH, il fournit l’électricité la plus bas carbone, disponible en permanence et peu onéreuse. Ainsi, l’électricité d’origine nucléaire est la seule en mesure de répondre au grand défi énergétique de notre temps : diviser par deux les émissions de CO2, tout en subvenant à bas coût à un besoin énergétique en croissance permanente et qui sera multiplié par deux d’ici 2050. Ces évidences ont déjà été mises en avant par le GIEC, et plus récemment par l’AIE, qui, dans son dernier rapport sur les politiques énergétiques au sein de l’Union européenne, a rappelé au sujet du nucléaire que « l’Europe n’a pas le luxe d’exclure une technologie bas carbone ». La nécessité de lancer un programme de construction de nouveaux réacteurs en France, soutenue par l’ensemble de la filière, est plus que jamais d’actualité ; non seulement elle serait cohérente avec les enjeux climatiques, mais elle s’inscrirait également parfaitement dans le contexte de relance actuel en permettant d’impulser un nouveau dynamisme industriel qui génèrerait des milliers d’emplois.
L'idée du lancement d'un nouvel EPR en France n'est-il pas prématuré quand on sait que Flamanville n'est pas encore opérationnel ?
La filière a su tirer les leçons des difficultés liées au chantier de l’EPR de Flamanville. Fin 2019, Jean-Bernard Lévy a annoncé la mise en place du plan excell, une initiative destinée à faire en sorte que non seulement EDF, mais plus largement toute la filière nucléaire française, renoue avec l’excellence dans la gestion des grands projets nucléaires. La filière, à travers le GIFEN, est associée à ce plan en ce qui concerne la qualité et la maîtrise des fabrications, ainsi que le maintien et la gestion des compétences. Le plan excell, dont les travaux ont officiellement débuté le 18 mai dernier, intègre également un certain nombre d’éléments traités par le GIFEN depuis son lancement, notamment concernant trois des quatre axes du contrat de filière signé en 2018 avec l’état, qui portent sur le maintien et le renouvellement des compétences dans la filière, la transformation numérique et la R&D. Tous ces travaux, qui intègrent le retour d’expérience du projet de l’EPR de Flamanville, contribuent à préparer la filière à aborder dans les meilleures conditions le renouvellement du parc nucléaire français dont notre mix énergétique a besoin ; la récente fermeture du réacteur 2 de Fessenheim, dont la production ne pourra être remplacée que par une électricité importée et hautement carbonée, témoigne de l’urgence qu’il y a à construire de nouvelles installations. Aujourd’hui, la filière est prête à relever ce défi.
Cet enretien a été publié dans Le Monde de l'énergie.