Depuis 2019, la Commission Européenne réfléchit à une stratégie de soutien des activités dites « durables » : la Taxonomie. En novembre 2020 a été publié le projet d’Acte Délégué qui classifie ces activités « durables » suivant différents critères. A ce jour, la Commission Européenne n’a toujours pas inclus le nucléaire dans la Taxonomie puisqu’elle l’a soumis, en parallèle de cet Acte Délégué, à une étude approfondie par des experts. Ce projet d’Acte a été soumis aux avis des citoyens et entreprises européennes jusqu’au 18 décembre 2020. Nous partageons la réponse du GIFEN à cette consultation, à travers laquelle le GIFEN transmet ses préoccupations quant aux ambiguïtés qui transparaissent.
La définition des critères techniques de sélection doit être rationnalisée en tenant compte de l’intensité carbone sur toute la durée de vie d’un équipement.
Le document stipule : « Afin de garantir des conditions de concurrence équitables, les mêmes activités économiques devraient être soumises aux mêmes critères techniques de sélection ». Cela n’est pas le cas dans l’Annexe1. Le seuil d'émissions GES sur le cycle de vie fixé à 100 gCO2e/kWh n’est pas, par exemple, imposé pour l’éolien ou le solaire, tandis qu’il l’est pour l’hydroélectricité. De même, en ce qui concerne les impacts relatifs à l'eau et aux milieux marins, l'éolien offshore doit être conforme à la directive 2008/56/CE. Pour l'hydroélectricité, les exigences sont beaucoup plus strictes. Il n’est pas non plus tenu compte de la dépendance de l’éolien et du solaire vis-à-vis de métaux rares dont la production impacte lourdement l’environnement dans lequel ils sont prélevés (pollution des nappes phréatiques, pollution de l’air etc.).
Par ailleurs, la prise en compte des applications industrielles issues de la R&D ne doit pas être négligée comme c’est le cas actuellement. En effet, cet Acte Délégué écarte certaines technologies promues par l’Europe telle que la Fusion ou encore la production d’hydrogène bas-carbone. Les exigences concernant cette dernière sont telles que le seuil maximal d’émission de 2,256 kgCO2e/kgH2 exclut même le photovoltaïque. Le niveau à définir doit permettre d’intégrer des bouquets énergétiques raisonnablement bas carbone qui sont actuellement exclus de la classification proposée alors même qu’ils contribuent à l’objectif de neutralité carbone (ex : électro-carburants). Le GIFEN recommande donc de définir le seuil pour que l’hydrogène puisse être qualifié de bas carbone à 5,8 kgCO2éq/kgH2 comme le proposait le TEG. L’ensemble des sources d’électricité bas carbone devraient également être éligibles à des garanties d’origine, comme le sont aujourd’hui les énergies renouvelables, afin de pouvoir les flécher et produire grâce à elles de l’hydrogène bas carbone.
Ces nombreuses différences de traitement faussent le marché et nuisent à la clarté de la classification. Pour remédier à cette ambiguïté, les industriels du GIFEN proposent d’évaluer l’intensité carbone en prenant compte le cycle de vie complet des équipements.
Un risque élevé de distorsion de concurrence vis-à-vis des technologies bas-carbone en cours d’évaluation
La proposition présentée risque de fausser le marché et de créer une situation de concurrence déloyale pour certaines entreprises. A date, toutes les technologies du secteur énergétique n’ont pas encore été évaluées et ne sont donc pas prises en compte dans l’Acte Délégué. Les industriels du GIFEN regrettent de ne pas disposer, à ce jour, des conclusions du groupe d’experts du JRC sur le critère DNSH vis-à-vis du nucléaire. L’attente de ce rapport repousse la prise en compte de cette technologie dans l’Acte Délégué en cours de consultation.
De fait, cet Acte Délégué donne à certaines technologies un accès instantané aux fonds et instruments financiers de l'UE alignés sur les objectifs de la Taxonomie, excluant par là-même certaines technologies bas-carbone.
Au-delà de la distorsion de concurrence créée, cet Acte Délégué ne respecte pas le principe de neutralité technologique rappelé à l’Article 19 du Règlement du 18 juin 2020 sur la Taxonomie. Ce principe affirme que l’utilisation d’une technologie ne doit pas se faire au détriment d’une autre et permet à chaque Etat-membre de décider de son mix énergétique. Dans ces conditions, la classification envisagée va à l’encontre de ses fondamentaux. Ce système donne l’impression d’un « choix à la carte » plutôt qu’une évaluation scientifique et objective. Nous recommandons la révision du système de classification suivant des critères objectifs. Pour un même domaine économique, les critères techniques de sélection ne doivent pas être adaptés à chaque technologie : toutes les technologies doivent être soumises aux mêmes critères.
Aux vues de ces ambiguïtés, les industriels du GIFEN souhaitent que la parution de cet Acte Délégué soit reportée jusqu’à ce que l’évaluation de toutes les technologies du secteur énergétique soit complète. Dès lors, l’Acte Délégué devra être guidé par deux exigences :
- Favoriser les meilleures solutions envisageables existantes pour l’environnement en évaluant l’intensité carbone du cycle de vie complet d’un équipement ;
- Garantir des conditions de concurrence équitables pour ces technologies.
Photo : Guillaume Perigois/Unsplash